Fin décembre 2017, Lisa Aubrey nous a donné rendez-vous au Drugstore Publicis des Champs-Elysées. Accompagnés de deux africains-américains, nous avons fait une brève visite improvisée du Paris Noir, qui nous a permis de découvrir des lieux emblématiques de l’histoire afro-américaine à Paris. Au terme de cette balade, Lisa nous a accordé une interview pour nous présenter le programme Roots and Reconnection, qui vise à rapprocher l’Afrique de sa diaspora, et nous parler du site historique de Bimbia, sur lequel elle mène des recherches depuis des années. Bon visionnage ! (Pensez à activer les sous-titres).

Transcription de la vidéo

Le voyage d’Henou : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?

Lisa : Je m’appelle Lisa Aubrey, je viens de la Louisiane aux Etats-Unis. Mes parents sont tous les deux nés en Louisiane, tout comme mes grands-parents, et mes arrières grands-parents. Nous avons que nos ancêtres viennent d’Afrique. Donc, nous sommes des Africains nés aux Etats-Unis, et nous faisons partie de la diaspora historique issue de l’esclavage. Ça, c’est qui je SUIS, ce qui est différent de ce que je FAIS. Je suis professeur à l’Université d’état d’Arizona, je reviens tout juste du Cameroun, en Afrique Centrale, où je travaille en tant que chercheur et professeur à l’Université Yaoundé I.

Nous avons une opportunité historique, à travers les tests ADN, en plus de la recherche généalogique traditionnelle, de trouver nos familles, et de trouver les endroits, les villages d’où nous avons été enlevés de force.

Lisa Aubrey

LVH : Qu’est-ce que Roots & Reconnection ?

Lisa : Le programme Roots & Reconnection est un programme dans lequel nous nous ré-enracinons en Afrique, et nous nous re-connectons avec nos racines africaines, en tant que “diasporiens”, des gens nés en dehors du continent africain. Mais nous savons que nos liens, nos origines sont en Afrique. Nous avons le droit de savoir qui nous sommes. Et pour beaucoup d’entre nous, nés dans la diaspora à cause de l’esclavage transatlantique et transsaharien, nos noms, nos identités, notre héritage, sont reniés. Et nous avons une opportunité historique, à travers les tests ADN, en plus de la recherche généalogique traditionnelle, de trouver nos familles, et de trouver les endroits, les villages d’où nous avons été enlevés de force. Donc, Roots & Reconnection est un programme qui nous donne une chance de nous reconnecter à nos racines, et de nous reconnecter à nos familles, avec nos villages, et de nous reconnecter avec nous-mêmes. C’est donc ce que nous faisons, de diverses façons ; c’est basé sur la recherche, c’est fondé sur la science et la spiritualité également. Et nous avons divers types de programmes qui permettent aux gens, qui voudraient se reconnecter à l’Afrique, et aux gens sur le continent, de se connecter avec la diaspora qui fut emmenée de force.

LVH : Pourquoi avez-vous créé cette initiative ?

Lisa : C’est quelque chose que les membres de la diaspora font depuis très longtemps. Je ne dirais pas que je l’ai créée, et j’ai d’autant plus la bénédiction de continuer le type de travail que beaucoup de membres de la diaspora ont fait pendant très longtemps. Et c’est de retrouver la maison. Parce que nous sommes dispersés dans des endroits dans lesquels beaucoup d’entre nous ont encore l’impression que nous sommes des réfugiés, que nous ne sommes pas ancrés dans les cultures de ces pays. Nous vivons encore dans des lieux où l’esclavage est ce qui contextualise notre existence. Donc, si nous regardons notre histoire, si nous regardons Edward Blyden, si nous regardons Dubois, si nous regardons beaucoup de nos prédécesseurs, nous avons de tous temps essayé de retrouver notre maison. Et c’est une bénédiction de pouvoir continuer cet héritage. Chaque génération veut savoir d’où nous venons. C’est ma responsabilité, c’est mon devoir, c’est à mon tour de faire ce travail.

Ce qui est très important pour nous, c’est de ne pas organiser des voyages touristiques, car nous ne sommes pas des touristes. Nous sommes des Africains qui retrouvent le chemin de la maison.

Lisa A.

LVH : Comment est organisé le voyage ?

Lisa : Le voyage est pour le moment centré sur le Cameroun, en Afrique centrale. C’est centré sur le Cameroun maintenant parce que durant mes recherches, je suis tombé sur un site méconnu de l’esclavage transatlantique, qui s’est révélé être, en termes de superficie, le plus grand site de la traite transatlantique sur le continent africain. Cela a été confirmé par l’UNESCO. Ce que je fais également, c’est suivre la trace des bateaux esclavagistes européens qui ont déplacé de force nos ancêtres du continent africain, et de ceux qui ont survécu dans de nombreux pays en dehors de l’Afrique. L’une des raisons qui nous ont poussé à organiser les voyages, c’est la révolution de la technologie ADN permettant de retracer les origines. Donc, ce que nous faisons, comme nous l’avons toujours fait, c’est de parler ensemble du besoin, du désir, de retrouver la maison. Et ceux que cela intéresse de retrouver la maison, entrent en contact avec Roots & Reconnection, ils parlent de ce désir, ils parlent de ce que cela signifie pour eux, ils parlent de ce qu’ils souhaitent faire. En fait, je demande aux gens leur liste de souhaits, et les voyages sont organisés en fonction de cela. Ce qui est très important pour nous, c’est de ne pas organiser des voyages touristiques, car nous ne sommes pas des touristes. Nous sommes des Africains qui retrouvent le chemin de la maison.

LVH : Quand les voyages sont-ils organisés ?

Lisa : Et bien, c’est quelque chose qui évolue. Je dirais que c’est les deux : nous avons des dates fixes, nous avons aussi des dates flexibles. Les dates fixes sont durant la période de Kwanzaa, juste après la célébrations de noël, pendant environ deux semaines, jusqu’à janvier de l’année suivante. Nous aimons passer la veille du nouvel an sur le continent. C’est très symbolique. Nous avons aussi des cérémonies de changement de nom pour ceux qui reviennent et qui aimeraient reprendre leur nom africain. Nous essayons de faire cela le 1er janvier, si possible, parce que le jour de l’an, pour certains, est un jour de renaissance. Et si cela ne peut se faire le 1er janvier, nous essayons de le faire durant la 1ère semaine. Et je suis heureuse de dire que nous allons avoir ce jour le 5 janvier à Batoufam, dans l’ouest du Cameroun. Cela a lieu dans différents endroits, à des moments différents. Pour ceux qui ne peuvent pas voyager pendant cette période, ou pour les personnes qui veulent aussi vivre une expérience individuelle – parce que nous avons des gens qui disent “J’apprécie l’expérience de groupe, mais cela est si personnel pour moi, que c’est quelque chose que je sens que je dois faire seul.” Donc, nous faisons en sorte que cela soit possible également. Et je dois dire que je n’aurais pas pu faire ça sans les camerounais, dans le pays, qui font le travail de terrain, qui sont véritablement les ponts qui m’aident à y arriver, et sans Alain Kenfack de Valeurs d’Afrique. Les “valeurs d’Afrique”, ça coïncide tout simplement, c’est incroyable. Il est en ce moment au Cameroun, et il est l’une des personnes qui font le travail de terrain nécessaire d’inviter nos sœurs et frères à revenir à la maison.

Et tu as demandé le prix. Aucun voyage n’a exactement le même prix, mais cela reste approximatif, car cela dépend de la durée du séjour, et cela dépend aussi de la configuration du groupe et de ce qu’ils aimeraient faire. Quand les gens font leur liste de souhaits, tous les groupes de veulent pas faire la même chose ou aller aux mêmes endroits. Nous ajustons donc les prix en conséquence. Pour un séjour de deux semaines au Cameroun, avec un stop à Paris comme nous le faisons cette fois-ci – durant 3 jours et 3 nuits – ça coûte environ 3200 dollars. Ce n’est pas un voyage pour faire de l’argent, donc nous essayons de maintenir les coûts aussi raisonnables que possible, parce que l’Afrique nous appartient à tous. Et cela couvre toutes vos dépenses, depuis votre hébergement, jusqu’à votre transport et l’eau que vous buvez. Donc, toute dépense supplémentaire est pour les choses personnelles que pourriez vouloir acheter comme cadeaux. Nous avons aussi de nombreuses personnes qui, pour des raisons diverses, ne veulent pas faire escale en Europe. Avoir la chance d’aller en Afrique est un tel cadeau, un tel trésor, qu’ils veulent aller directement au Cameroun. Et pour ceux-là qui ne font pas escale en Europe, cela diminue le prix du voyage, évidemment.

C’est l’histoire du peuple, c’est une histoire sociale.

Lisa A.

LVH : Qui a participé à ces voyages jusqu’à maintenant ?

Lisa : Oh, je suis si contente que tu poses cette question. Quand nous avons commencé en 2010, et j’ai commencé à parler de Bimbia, même mes collègues, qui sont parmi les gens les plus instruits que je connaisse au Cameroun – et pas seulement au Cameroun, en Afrique, dans le monde, parce que si tu regardes le taux d’alphabétisation du Cameroun et le niveau d’instruction, les camerounais font parties des gens les plus brillants que je connaisse -. Certains, parmi mes collègues, disaient : “De quoi tu parles ? Bimbia ? Nous sommes du Cameroun. Comment peux-tu venir dans notre pays, et nous informer sur quelque chose qui se trouve dans notre propre jardin?”. Mais cela a été caché de notre histoire partout dans le monde. Donc, en quelque sorte, ce sont les Africains Américains qui ont ouvert la porte, qui ont fait tomber la barrière, qui ont ouvert la discussion à propos de cela. L’intérêt a commencé à croître, et je suis vraiment heureuse quand je peux emmener des groupes en voyage à Bimbia. Parce qu’il y a des Camerounais là-bas, il y a des anciens, il y a mes collègues, il y a des écoliers, de plus en plus d’Africains Américains viennent. Une des dernières fois où j’ai été là-bas, un frère du Cameroun qui est marié avec un femme du Surinam était là. Il y a des gens qui viennent de Guadeloupe, des gens qui viennent de Martinique. Je reçois des mails de gens du Brésil qui veulent venir. Certains sont déjà venus. En particulier des gens qui retracent leurs origines. La diaspora camerounaise contemporaine est là également. Un des premiers voyages que j’ai organisés était sur demande du Dr Eugene Wope, qui vit ici, qui vient de la région de Bafou au Cameroun. Il a dit “Nous devons absolument faire quelque chose”, et il a été un soutien constant. Ensuite il y a aussi Alain Kenfack. Quand il est venu au Cameroun en tant qu’éditeur de Villages d’Afrique, il a dit “Comment quelque chose d’aussi important dans notre histoire peut-elle être si dissimulée ?” Donc il a dit qu’il utiliserait le magazine pour sortir cette information des cercles universitaires, et la mettre dans les mains du peuple. C’est l’histoire du peuple, c’est une histoire sociale. Alors, les gens viennent de partout. Il y a un camerounais qui a amené des gens d’Allemagne. Il y a des gens qui viennent d’Italie. Cela a donc ouvert les portes à beaucoup d’endroits. Tellement de gens. Un couple de la Barbade. Ils sont venus avec moi au Cameroun. Donc, les gens viennent de partout. Tous les âges, tous les pays, toutes les religions. C’est vraiment en train de monter en puissance, à plusieurs niveaux.

LVH : Y a-t-il aussi des africains du continent parmi les participants ?

Lisa : Oh oui ! Et je suis contente que tu demandes ça également. Particulièrement les étudiants d’université. Nous avons des étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop au Sénégal. Beaucoup d’entre eux sont intéressés par notre histoire, et beaucoup sont intéressés par la recherche également. En particulier quand nous parlons de la traite transatlantique, et en particulier les locuteurs français. Nous avons tendance à parler du Sénégal et de Gorée. Quelques personnes viennent aussi parce qu’elle se disent “Quel est ce Bimbia au Cameroun ?”. Je veux dire, Gorée a si longtemps été le lieu de référence, et maintenant il y a Bimbia, plus grand que Gorée. Une histoire qui est méconnue. Il y a donc beaucoup de gens qui viennent. Il y a un groupe de royaux qui est venu d’Afrique de l’Ouest et du Centre, [lors d’un voyage] organisé par une femme nommée Espérance, Princesse Espérance, qui est camerounaise. Elle a réuni de nombreuses personnes venant de deux régions d’Afrique. Les gens sont venus du Congo Brazza, ainsi que Kinshasa. Cela attire donc vraiment l’attention de très nombreuses personnes partout dans le monde. Je pense que c’est très important de parler de l’intérêt des africains pour Bimbia, car nous négligeons souvent cela. Mais les gens viennent de partout.

Elle a pu, grâce à des recherches généalogiques traditionnelles et à un travail acharné […] découvrir que ses ancêtres furent amenés dans une plantation à Saint Martin Parish en Louisiane.

Lisa A.

LVH : Pouvez-vous nous raconter une reconnexion vécue par un participant ?

Lisa : Il y en a tellement. Je viens de finir d’écrire un livre, et Dabula a dit qu’il voulait être l’un des premiers à en recevoir une copie. Il vient juste de revenir de relecture. Nous l’avons fait relire par six personnes, dedans je raconte l’histoire de la construction de Roots and Reconnection. Beaucoup de ces histoires sont liées à la mémoire que nous partageons sur le site. Il y a tellement d’histoires ! Je pense qu’il serait peut-être mieux que tu regardes les vidéos sur Youtube, et tu verras beaucoup de ces histoires. Je vais en raconter une. C’est une femme nommée Stanley Viltz. Née en Louisiane, elle a fait son test ADN. Son test ADN a révélé que ses ancêtres étaient Tikar, du Cameroun. Elle a dit qu’elle voulait le découvrir pour elle-même, et aussi laisser un héritage pour ses enfants. Et pour beaucoup d’entre nous, découvrir d’où nous venons n’est pas la fin de l’histoire, c’est en quelque sorte comme un commencement. Parce que nous devons partager avec le continent ce que fut pour nous l’expérience de l’esclavage transatlantique. Aux Etats-Unis, en Guadeloupe, à la Barbade, la Dominique, Tortola… et beaucoup d’autres endroits. Beaucoup d’entre nous, nous voulons aussi, et devons, reconstituer l’histoire de ce qui est arrivé à nos ancêtres quand ils ont été emmenés dans les lieux où ils ont été réduits en esclavage. Parce que ça nous est arrivé à nous aussi ! Alors, le Dr Viltz a commencé à reconstituer ce qui est arrivé à ses ancêtres Tikar lorsqu’ils furent amenés aux Etats-Unis. Elle a pu, grâce à des recherches généalogiques traditionnelles et à un travail acharné – car ce n’est pas un travail facile à effectuer – découvrir que ses ancêtres furent amenés dans une plantation à Saint Martin Parish en Louisiane. Il s’avère que c’est la Parish d’où je suis originaire, et où le nom Viltz est répandu. Et bien, en fait elle était à la recherche de la famille dans laquelle elle avait grandi en Californie – née en Louisiane, elle avait grandi en Californie – elle recherchait une famille, et je lui ai demandé “Quel est le nom de cette famille ?”. Et elle m’a dit “Le nom de cette famille est “DeClouette””. “DeClouette” ne me disait rien, j’ai donc demandé à mes parents, à ma soeur, et à ce moment nous avons réalisé que la famille qu’elle recherchait était “DeClouette” [NDT : la prononciation est différente]. En Louisiane, si tu cherches “DeClouette”, personne ne saura de qui il s’agit. Eh bien, après avoir trouvé le nom “DeClouette”, Roots and Reconnection a été en mesure de retrouver la plantation où ses ancêtres Tikar avaient été amenés. Il s’est avéré que ses ancêtres Tikar ont aussi contribué à bâtir cette plantation grâce à leur travail forcé. Donc voilà un des moments, c’est une des histoires qui illustrent les ponts que nous pouvons construire. Alors, à travers ce travail, elle a trouvé son origine, ensuite elle a trouvé l’endroit où ses ancêtres ont été réduits en esclavage, et ensuite elle a pu faire le type de travail rituel, le type de cérémonie, la recherche de paix intérieure, et savoir d’où tes ancêtres viennent, et où ils ont été emmenés, et savoir quelque chose à propos de leur vie. Et ça, nous le devons à nos ancêtres. Donc, voilà un mom… il y a beaucoup, beaucoup de moments !

LVH : Quelle date de sortie est prévue pour le livre dont vous avez parlé ?

Lisa : Le livre est fini, nous espérons que l’impression sera faite d’ici janvier. C’est quelque chose que j’ai mis en attente pour le moment, c’est imprimé. Quand tu le regardes, ça a l’allure d’un livre, nous faisons l’épreuvage final, tout est en place. Donc, Inchallah, en janvier quand je reviens.

De nombreux membres de la diaspora viennent au Ghana pour se ressourcer et se reconnecter.

Lisa A.

LVH : Hormis le Cameroun, organisez-vous des voyages ailleurs en Afrique ?

Lisa : En fait, Roots and Reconnection est quelque chose que j’ai nommé, et formalisé en tant qu’organisation à but non lucratif, mais c’est vraiment quelque chose que j’ai fait toute ma vie. Et j’ai été en Afrique depuis maintenant plus de 34 ans, dans différents lieux, différents pays, et j’ai commencé à emmener des gens avec moi depuis l’époque de mes recherches pour ma thèse au Kenya. Et au Ghana, j’ai mis en place le Centre des Affaires Africaines et de la Diaspora. En fait, il est toujours en activité ! Les gens au Ghana disent : “Qu’est-ce-qu’il t’arrive ? Qu’est-ce que les Camerounais t’ont donné à manger ? Tu ne reviens pas à la maison !”. J’ai une maison au Ghana, l’organisation est là-bas, et le Ghana m’a aussi donné un coup de pouce! Une des raisons pour lesquelles je me suis installée au Ghana est aussi parce que le Ghana est connu pour l’histoire de l’esclavage transatlantique. De nombreux membres de la diaspora viennent au Ghana pour se ressourcer et se reconnecter, et il y a plus de – et je pense que c’est une fourchette basse – mais il y a plus de 5000 personnes qui sont rentrées en Afrique et vivent à présent au Ghana. Et comme moi, ils ont acquis une propriété. Le Congo m’a invité pour réaliser un travail. J’ai emmené des groupes au Nigéria également. J’ai beaucoup travaillé au Sénégal, et je ne compte pas m‘arrêter de faire ce que je fais. Je vois les reconnexions se faire dans tant d’endroits. Et, comme je disais à Carmen et Dabula aujourd’hui, j’espère que ce que je fais consiste aussi à planter des graines, si bien que des gens comme Carmen et Dabula peuvent aussi dire “Hey! allons-y!”, et emmener leurs propres groupes d’amis, leur famille. Donc, j’espère que ça va se développer.

LVH : De quoi Roots & Reconnection a besoin pour continuer son travail remarquable ?

Lisa : Un, nous avons besoin de visibilité, par rapport à ce que nous faisons. Deux, nous avons besoin que les gens nous montrent leur intérêt, et nous disent quels sont leurs besoins. Nous avons aussi besoin de bénévoles pour mettre la main à la pâte. Je ne peux pas répondre à tous les emails que je reçois. J’ai vraiment eu de la chance car j’ai eu des étudiants phénoménaux, qui ont été si cruciaux dans le travail de recherche, qui répondent aux e-mails, qui prennent des appels, qui m’aident à trouver des financements. Nous avons besoins de gens pour animer les réseaux sociaux, pour être simplement capable de dire “Hey, voilà ce qui se passe ! Nous organisons un voyage ! Hey, voilà ce que Dabula a pensé du voyage. Hey, voilà ce que Carmen recommande pour le prochain.” Du coup, nous avons besoin de gens qui ont de l’intérêt, de la passion, et les compétences techniques pour continuer de faire fonctionner les choses. Car j’aimerais vraiment que cela soit enraciné en tant qu’organisation et qu’institution, pas seulement le projet de Lisa. Car je sens que cela doit continuer au-delà de moi. Et bien sûr, nous avons besoin de ressources financières pour continuer. Et c’est une réalité, mais la ressource financière consiste à suivre une stratégie, une mission, une vision, un plan. Alors, il y a un nombre de besoins, et je suis vraiment heureuse de dire que les gens passent à l’action ! Et, comme on dit, ils joignent l’acte à la parole. Nous avons deux personnes ici qui ont dit “Ok, combien ça coûte ?”. Pas un reproche. Et ils ont dit “J’en suis” et “Je suis avec toi”.

Nous avons également grand besoin de mener les recherches sur le terrain pour nous permettre de continuer à raconter l’histoire. Car nous commençons à peine à dévoiler l’histoire de Bimbia. Et je travaille aussi avec le gouvernement camerounais, qui a vraiment pris sérieusement position là-dessus. Au-delà de la prise de position, la recherche prend beaucoup de temps, et demande beaucoup d’argent. Une partie de ce travail est archéologique, et ce n’est pas bon marché. Et plutôt que de raconter une histoire superficielle de notre passé, c’est important pour nous de mettre les ressources nécessaires pour être en mesure de déterrer la vérité, de transmettre cela à nos enfants.

LVH : Comment voyez-vous Bimbia dans 5 ans ?

Lisa : J’envisage Bimbia comme étant un endroit central où les personnes d’origine africaine se rassemblent et partagent une mémoire, dans le sens où Toni Morrison en parle. Un lieu où nous partageons nos histoires personnelles en tant que personnes emmenées de force, revenant à un endroit où, comme un de mes étudiants le dit, les pieds de certains de nos ancêtres ont touché le sol africain pour la dernière fois. Revenant à un endroit en disant “Nous sommes à nouveau réunis, et c’est notre Renaissance.” Et à partir de là, retrouver notre force, reconquérir notre dignité, et tracer une voie pour nous-mêmes en tant qu’Africains, une voie que nous élaborons. Une voie qui ne nous est pas imposée par d’autres peuples, qui nous disent qui nous sommes et ce que nous devons faire. Bimbia est un lieu où nous pouvons nous reconquérir de nouveau, nous redéfinir de nouveau, et nous réunir en tant qu’Africains. Et je pense que ce n’est pas une coïncidence que le Cameroun soit l’Afrique en miniature. C’est un endroit où chacun de nous peut revenir. Alors, je le vois vraiment comme un lieu de mémoire et un lieu de Renaissance pour l’Afrique. Pour être reconnu par toute l’humanité.

LVH : Comment peut-on vous contacter ?

Lisa : Vous pouvez nous envoyer un email à rootsreconnection(at)gmail.com.

LVH : Merci beaucoup !

Lisa : Je t’en prie !

Dans mon cœur, ma conscience, je me vois comme un Africain en Amérique.

Dabula W.

LVH : Bonjour Dabula, pouvez-vous vous présenter ?

Dabula : Mon nom est Mr Dabula Woundwossen Getahun. Je l’ai changé il y a environ 28 ans. Je suis devenu conscient, et je ne pouvais pas rester en place. Je ne pouvais plus supporter ce nom plus longtemps. Je ne l’ai pas prononcé depuis que je l’ai changé, donc s’il te plaît ne me demande pas. Je viens de Floride, via le Ghana, en Afrique. Et je le dis de cette façon car je ne me vois pas comme un américain. Dans mon cœur, ma conscience, je me vois comme un Africain en Amérique. Et j’ai toujours été un Africain, peu importe où je me trouve sur la planète, je suis un Africain. Je suis un Africain avant tout. Et c’est l’essentiel en ce qui me concerne. De profession, je suis charpentier et un docker.

LVH : Pourquoi avez-vous entrepris de faire ce voyage ?

Dabula : Ce n’était pas une vraie décision. C’était une vocation, tu vois. Je veux dire, je ne peux pas me reposer dans le sol américain, je cherche un endroit où être enterré. Mais je ne peux pas reposer dans le sol d’un pays qui a réduit mes ancêtres en esclavage. Je ne pourrais tout simplement pas, mon âme ne se reposerait pas. Et ensuite, je désire savoir d’où je viens, et mon peuple ! J’ai des parents qui sont restés là-bas, je veux les rencontrer !

LVH : Comment avez-vous connu Roots and Reconnection ?

Dabula : Tu sais, j’appartiens à une communauté consciente, à Seattle. Et simplement en étant dans cette communauté, j’ai été amené à rencontrer Dr Aubrey et le frère Alain, et voilà tout. C’est ma voie, c’est mon chemin pour retourner à l’endroit auquel j’appartiens.

LVH : Comptez-vous refaire le voyage ?

Dabula : Je le referai, parce que c’est ce que je suis. Et c’est la même réponse à l’autre partie de la question. C’est qui je suis. Je le fais depuis toujours. Jusqu’à ma mort. Je continuerai de m’éduquer, pour éduquer mon peuple, et pour faire cela je dois aller là d’où vient la connaissance. Autant que je le peux.

C’est un désir profondément sincère de retourner à la maison.

Carmen G.

LVH : Bonjour Carmen, pouvez-vous vous présenter ?

Carmen : Bonjour, mon nom est Carmen Garrett. Je suis originaire de Omaha, Nebraska. Cependant, en ce moment, je vis à Commerce City, Colorado, qui est une banlieue de Denver. Je travaille dans le secteur des assurances. C’est à peu près tout !

LVH : Pourquoi avez-vous entrepris de faire ce voyage ?

Carmen : Une fois que mon ADN a confirmé que je suis Bamiléké, ça a été un appel ! J’ai senti que je devais, essentiellement, rentrer à la maison. Et vraiment découvrir mes racines et me reconnecter avec mon peuple, le peuple Bamileke. Donc ça a vraiment été un appel puissant. Je ne me sens pas capable de quitter cette Terre sans rentrer à la maison et me reconnecter avec mon peuple. C’est un désir profondément sincère de retourner à la maison.

LVH : Comment avez-vous connu Roots and Reconnection ?

Carmen : C’est plutôt étrange, pour être honnête. Je sortais d’un avion, mon premier voyage en Afrique, et alors que j’étais en train de quitter l’aéroport, je suis tombée sur une jeune demoiselle qui était là pour rencontrer quelqu’un qui était dans le même avion que moi. La demoiselle qui était dans le même avion que moi nous a approché, mon mari et moi, pour nous demander où récupérer les bagages. Nous lui avons juste dit de nous suivre. Une fois que nous sommes sortis du train, elle a rencontré la personne qui était venue la chercher. J’ai remarqué qu’elles ont commencé à parler ensemble en français, et j’ai simplement demandé “D’où venez-vous ?”. Et l’une des demoiselles a dit “Je suis du Cameroun”. Eh bien, c’était étrange pour moi, car j’avais juste découvert un an plus tôt que je suis une descendante du Cameroun. Et donc, à ce moment-là, elle m’a mis en relation avec Lisa Aubrey. Et donc, j’ai été en contact avec Lisa depuis lors. Et j’ai vu certaines photos qui ont été prises durant l’un des voyages en 2016. Et il y a simplement eu cette attraction : Je dois y aller, je dois y aller. Je dois faire l’expérience du Cameroun.

LVH : Comptez-vous refaire le voyage ?

Carmen : Absolument, absolument ! Il n’y a aucun doute dans mon esprit que ce n’est pas mon dernier voyage là-bas. Ma famille sait que je prévois de le faire encore et encore. Mon mari n’est malheureusement pas venu cette fois-ci. Et il déteste ça. Il déteste n’avoir pas pu être là. En fait, au cours du mois dernier, mois et demi, il a dit “J’aurais dû prendre mes dispositions, j’aurais dû partir.” Et je lui ai répondu “Ne prend pas tes dispositions, sois prêt seulement !”. Alors, je suis sûre qu’il viendra la prochaine fois. Et il y aura une prochaine fois !

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